03.05
2012
Gastronomie
À tout juste 33 ans, ce dynamique créateur culinaire manie sa petite cuillère comme un écrivain sa plume. Chez Jérôme Faure, le produit est star, et local de préférence. Il crée une cuisine de saison, autour de l’insolite mélange terre / mer, dans laquelle il aime associer les goûts et les textures et jouer avec les épices pour aiguiser ses plats. Portrait d’un jeune chef gourmand et épicurien qui nourrit son inspiration du merveilleux spectacle quotidien que lui offre la nature, au coeur du Vercors.
« Quand je serai grand, je serai cuisinier. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Après l’Ecole hôtelière de Grenoble, d’où il sort major de sa promo, et les brigades performantes de quelque « deux étoiles » (les Terrasses d’Uriage, la Pyramide à Vienne), Jérôme Faure trouve finalement son bonheur au pied des Deux Moucherolle à Corrençon-en-Vercors, dans le restaurant de l’hôtel du Golf, le Bois Fleuri. Sandra et Richard Sauvageon, les propriétaires, lui laissent carte blanche.
Résultat : le jeune chef décroche sa première étoile en 2008. Une jolie récompense qu’il vit comme « une consécration. Ça donne du sens, une crédibilité. ». Avec sa petite équipe de six, dont Magali, sa soeur cadette, pâtissière, et Benjamin Dupuis, « son indispensable second », il imagine
« une cuisine des sens comme une éducation au goût ». « Ce qui est magique dans la cuisine, confie-t-il, c’est sa dimension éphémère. Rien n’est jamais acquis, tout est à construire en permanence. Cette remise en question, c’est mon carburant d’évolution, de création. Pour moi, la cuisine est un moyen d’exister, de m’exprimer. Comme une cuisine d’auteur dans laquelle transparaît ma personnalité avec mes qualités et mes défauts. Ma cuisine n’est pas parfaite, mais elle a le mérite d’être mienne. »
Jérôme Faure aime ainsi à dire que « le cuisinier est un grand sensible ». Artisan avant tout, c’est dans le terroir local, du Vercors au Vaucluse, en passant par Grenoble, qu’il va sélectionner ses produits-stars. Pour sublimer son fameux mélange terre/mer, il choisit ses pigeons à Autrans, rapporte sa viande bio de Méaudre et l’agneau de Rodez dans l’Aveyron, prend ses fromages à Corrençon, cueille ses légumes certifiés AB chez les petits paysans de Noyarey, fait venir les asperges de Malmort, les truffes de Valréas et déniche son poisson chez Lachenal à Grenoble. À l’image de son modèle Michel Bras (3* à Laguiole, sur le plateau de l’Aubrac) dont il s’inspire avec humilité, Jérôme Faure revendique une cuisine de partage, proche de la nature : « nous sommes des médiateurs du goût ».
Dans l’assiette : montagne, terre et mer. « Je travaille beaucoup les produits de la mer, surtout le poisson (bar sauvage, turbot), la langoustine et les Saint-Jacques. J’aime le décalage terre/ mer : un pigeon au homard, des noix de Saint-Jacques au bleu du Vercors, des encornets au safran, salsifis, cardons et jus de sauge/ananas. » Outre le miel du Vercors, « que j’utilise beaucoup », le chef associe les goûts et les textures des produits, joue sur les contrastes chaud/froid (Vichyssoise : un velouté de poireaux, chantilly de pommes de terre, noix de Saint-Jacques Erquy, et sorbet de yaourt), sucré/salé (foie gras rhubarbe, pomme verte, sauce nature crudités, chocolat et agrumes). Très influencé par la cuisine asiatique, Jérôme Faure aime piquer ses plats d’épices avec une juste harmonie pour « amener le côté tranchant des saveurs, mettre du pep. ».
Sa cuisine est plus classique dans les desserts. « C’est un moment de repos qui nous ramène en enfance, basé sur la nostalgie, comme des petites madeleines de Proust rassurantes : soufflé chaud au chocolat, île flottante aux pralines, gâteau de yaourt revisité, poêlée de fruits, fraises, miel. ». Gourmand et épicurien, Jérôme Faure voit la cuisine comme une philosophie de vie.
Par Free Presse / Photos : Pierre-François Couderc