04.09
2017 Nature et découverte

On l’appelle ici le P’tit Coin de Paradis. Et pour cause. Perché à 2487m d’altitude, le refuge de la Leisse est un havre de sérénité au cœur du Parc de la Vanoise, côté Haute-Maurienne. Pour une halte rafraîchissante en cours de journée ou pour une nuitée tête dans les étoiles, ce lieu authentiquement montagnard invite à se déconnecter de tout pour se reconnecter avec l’essentiel : la nature. Rencontre avec Céline Terryn, gardienne de ce refuge hors du temps.

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Maîtresse des lieux depuis sept saisons, Céline Terryn nous accueille avec chaleur et bonne humeur. Sourire omniprésent et verbe facile, ce petit bout de femme d’1,60m, est une puce à l’échelle des vallons et montagnes qui l’entourent. Pourtant, dans son antre, elle règne telle une géante aux mille pouvoirs : de la cuisine au réfectoire, des dortoirs au garde-manger, elle maîtrise, anticipe, s’adapte et accueille avec simplicité et fluidité les randonneurs du jour.
 
 
Itinéraire d’une enfant du Nord
Fille de la Vanoise par adoption, Céline quitte son Pas-de-Calais natal il y a 17 ans, pour se construire une vie en montagne. Sans expérience mais déterminée, elle commence par enfiler le rôle de bergère lors des saisons d’été, en Vanoise. Coup de foudre immédiat pour le coin. Elle organise alors pendant quelques années, sa vie estivale en alpage et occupe ses hivers en tant que kiné, en vallée. Une première saison en tant que gardienne s’offre à elle en 2009. C’est au refuge du Lac Blanc qu’elle se lance et confirme ses envies d’accueil, d’échanges et de partage. L’année suivante elle prend les rênes du refuge de la Leisse, pour un contrat d’affermage de sept ans, conclu avec le Parc National de la Vanoise.
Du 15 mars au 15 mai, le refuge ouvre pour la saison de ski de rando. Point de départ d’une nouvelle année, Céline s’entoure d’une petite équipe pour remettre le refuge en route. Déblayage de la neige, réparations, travaux, entretien des dortoirs, cuisine et réfectoire. « C’est une période physiquement exigeante. Le froid, le vent, les conditions climatiques ne sont pas simples et il y a un gros boulot de remise en route pour accueillir les skieurs ». Travailleuse, manuelle, dégourdie, Céline est une Mc Gyver au féminin. « Mon père bricolait beaucoup ; petite j’ai beaucoup regardé ce qu’il faisait, ça m’intéressait. Et en vivant ici, loin de tout, on apprend à se débrouiller. On n’a pas le choix, on ne peut pas faire venir un mécanicien toutes les cinq minutes. » Des petits travaux de plomberie à la réparation de panneaux photovoltaïques, elle apprend, teste, se débrouille.
A partir du 15 juin, la saison estivale démarre et son quotidien avec. Un hélicoptère vient déposer toutes les denrées non-périssables, les boissons essentiellement, mais aussi les bouteilles de gaz qui alimentent la cuisine et la douche, ainsi que des outils et gros matériels.
 
Maman d’altitude
Pendant trois mois, une équipe élargie de quatre salariés s’installe au-dessus de la cuisine pour faire vivre le refuge et apporter du soutien à Céline dans sa dernière activité : celle de maman. Maé 19 mois, trotte entre randonneurs tout sourire et ânes dociles, en mini-maîtresse de refuge. « C’est sûr que ça change ! J’ai besoin de plus d’aide et d’une attention constante sur tout ce qu’elle fait. Ici le moindre accident peut devenir vite compliqué à gérer. » En matinée, tandis que la petite blondinette gambade sous l’œil bienveillant d’Amélie embauchée pour l’été, Céline s’occupe de l’intendance générale : suivi des stocks de nourriture, planification des menus, réservations du jour, liste de course, organisation de l’équipe. Une à deux fois par semaine, elle redescend en vallée avec la petite, un salarié et deux ânes pour ravitailler le refuge. 140 kg de vivre sont ainsi rapportés au refuge, à travers les vallons de la Leisse.
 
La gestion de la nourriture : le point clé
« On peut prévoir au maximum les repas, les recettes, les quantités, mais rien n’est acquis. Une journée de mauvais temps et on se retrouve à plus de 40 au repas du soir, alors que le matin nous n’avions qu’une vingtaine de réservations. Dans ce cas-là, on s’adapte. On apprend à faire une pâte à tarte sans œufs, une mousse au chocolat avec des pois chiches. C’est comme ça ! »
Loin des classiques diots-crozets, Céline attache une grande importance à diversifier ses menus, « pour que ceux qui pratiquent l’itinérance n’aient pas tous les soirs le même menu servi dans les différents refuges», mais aussi pour faire plaisir, et montrer qu’en refuge on peut proposer une cuisine généreuse et créative. « On échange beaucoup avec les autres gardiens, on se connaît bien, on s’appelle pour demander ce que l’un ou l’autre prépare en cuisine. Ça nous permet de varier plus facilement, d’être plus inventifs ». Ce soir au menu c’est d’ailleurs agneau au curry accompagné de polenta et crème caramel beurre salé en dessert. Génépi en digestif ? Ici c’est plutôt rhum arrangé à la myrtille !
A la table d’à côté, le groupe de randonneurs venus faire le tour de la Grande Casse en 5 jours est ravi. « C’est original, ça change et depuis 3 jours en refuge, on n’a pas mangé une seule fois la même chose, ça fait du bien ! »
Un souper apprécié avant de rejoindre Morphée dans l’un des deux dortoirs situés en contrebas, pouvant accueillir 32 randonneurs. Le refuge autorise les nuits en bivouac pour ceux qui ne veulent pas perdre une miette de la voie lactée qui s’offre en spectacle.
A l’heure où tout le monde dort profondément, Céline, elle, s’affaire à ses fonctions de gestionnaire. « Après 22h, lorsque tout est fini, tout le monde endormi, je m’occupe du reste ! La compta, les salaires, les stocks, encore, les réservations, la communication… C’est le moment où je suis la plus tranquille pour avancer ».
 
Gardien : mouton à cinq pattes... Voire plus.
Gestion de stocks, de personnels, de clients. Conseil en randos, itinéraires, refuges. Accueil de skieurs, randonneurs, novices comme aguerris. Bricolage, réparation, construction. Cuisine, création de recettes. Céline a toutes les cordes de la polyvalence à son arc, en plus de celles de maman à plein temps et de kiné également. Les mois d’hiver, elle rejoint son cabinet à Modane « pour préparer les moniteurs avant leur saison d’hiver », et en été, son savoir est toujours utile pour porter les premiers gestes de secours et de soins à un randonneur malchanceux. « On ne peut pas appeler un hélico pour des petits bobos. Mon métier me permet de strapper une cheville foulée, de faire un diagnostic rapide de la situation. C’est très utile !»  
Si la qualité première de gardien est l’adaptation comme le souligne Céline, sa fonction première est sans aucun doute la polyvalence. En quittant le refuge, Céline, son équipe et sa petite Maé, un autre mot nous vient à l’esprit : humilité. Incontestablement incarnée ici.

 
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