02.02
2012
Style
Rip’nwood, Brotherwood et Rabbit on the Roof : trois artisans du ski qui aiment le bois. Présentation...
Les skis de Mister Beane
Des pentes de Chamonix à celles de La Grave ou au détour d’un salon professionnel, cela fait un bail qu’on croise la grande carcasse de Kevan Beane et son accent au goût de chewing-gum made in Hollywood. Inutile de lui demander d’où il vient, il ne peut qu’être Ricain ! Attiré par nos montagnes enneigées autant que par nos femmes (marié à une Française, évidemment), l’histoire d’amour qui le lie à l’hexagone dure depuis plus de dix ans. Car si le lancement de sa dernière marque, Rip’N Wud, est assez récent, cet ancien skieur “hard core“, passionné de tout ce qui glisse sur la neige, l’eau ou l’air (surfer, parapentiste et base jumper accompli) n’est pas un nouveau venu dans le monde de la fabrication artisanale de skis. Très tôt, sa passion de la glisse l’amène à se pencher sur la conception de palins freeride. Il fait ses armes en tant que “ghost shaper“ pour Salomon US à l’époque du grand boom du freeride, avant de se lancer dans la fabrication elle-même une fois installé en France. S’en suivent différentes aventures pour de petites marques underground. Avec l’expérience acquise au fil des ans, Kevan sait ce qu’il veut quand il conçoit un ski et c’est tout naturellement qu’il lance enfin sa propre marque. Après quelques années de production uniquement sur commande, depuis deux ans une petite gamme est disponible pour le grand public, par le biais de son show room dans le 7.4 ou sur son site Internet.
Good wood
Rip’N Wud apporte une attention toute particulière au noyau. Le bois est soigneusement sélectionné avant d’être traité et séché dans un environnement contrôlé. À la suite de ce process, une deuxième sélection est faite pour ne retenir que les meilleures essences de frêne blanc, qui seront ensuite lamellées, assemblées et shapées sur place. Le meilleur moyen selon Kevan d’assurer un flex équilibré et identique d’une paire à l’autre. Les skis “Limited Edition“ disposent en plus d’une finition noyer américain, traité avec une huile biologique. Avec une production volontairement limitée à un maximum de 800 paires par an, l’accent est mis sur la qualité bien sûr, mais également sur l’écoute du client, afin de mieux coller à vos exigences. Gage de la capacité des skis de Rip’N Wud à tracer toutes les types pentes et n’importe quelle neige : deux Team riders seront en course sur le FQT cet hiver, le Suisse Claude Alain Reichenbach et le Français William Cochet.
La gamme Rip'N Wud est composée de six modèles disponibles en deux finitions différentes, qui vont du All Mountain au Fat avec des largeurs allant de 84 à 111 mm au patin.
De 920 à 1100 euros.
+ D'INFOS :
www.ripnwood.com / kevan@ripnwud.com
38 rue de Montréal, ZI Internationale
74100 Ville-la-Grand
Le chant du bois façon Brotherwood
Après un parcours scolaire classique « mais chaotique », Florian donnant priorité à la ride plutôt qu’au Bac qu’il passe en candidat libre, notre jeune haut-savoyard se lance dans une école d’ingénieur pour se spécialiser dans l’étude des matériaux. Et formaliser au passage sa passion pour le plus noble d’entre eux, le bois.
C’est finalement son stage de fin d’étude qui achèvera de le convaincre qu’il a bel et bien trouvé sa voie. Il se retrouve chez Duret, fabricant mythique de skis puis de monoskis au début des années 80. Avec le célèbre Jean Phi Thevenod en maître de stage et l’opportunité de rencontrer d’autres industriels et artisans, difficile de trouver mieux pour apprendre le métier. La vraie aventure du shape commence pour Florian qui s’installe alors à Manigod (74) dans la cave à Reblochon de son grand-père !
À l’ivresse de glisser sur son propre matos se mêle plus tard celle de faire découvrir, partager les sensations uniques que procurent ses planchons. Florian, alors rejoint par Alan au détour d’un voyage slovaque, sacrifie son livret A et se lance dans l’aventure industrio-artisanale, avec une production qui culmine aujourd’hui à… 40 planches par an ! Il faut dire que Florian, aussi méticuleux qu’il est passionné, fait tout pour que ses snowboards se démarquent du reste de la production. À commencer par une sélection impitoyable des différentes essences de bois (dont la coupe s’effectue uniquement en période de pleine lune, moment où le bois continent le moins de sève et sèche donc au mieux une fois coupé). Le reste est à l’avenant, de la passion du temps, et encore du temps et de la passion. Pas de secret : chez Brotherwood, on ne compte simplement pas les heures passées à fabriquer votre swallow tail.
Le Stradivarius des noyaux
Un noyau signé Brotherwood est un subtil mélange de trois essences différentes, afin de limiter au maximum l’usage d’autres matériaux issus de l’industrie pétrochimique. Le robinier tout d’abord. Un bois dense, rigide et nerveux (les Indiens d’Amérique en faisaient des arcs) et également imputrescible. Idéal donc sous les carres ; ses caractéristiques mécaniques procurant l’accroche indispensable sur le dur, alors que son imperméabilité à l’eau garantit l’étanchéité en cas de petits chocs contre les cailloux. L’épicéa dit “de résonance“ constitue lui l’âme du noyau. Utilisé notamment en lutherie, pour la fabrication de manches de guitares, ce bois apporte la nervosité indispensable à la vie du noyau. Le cèdre rouge enfin. Une essence très légère, souple, avec une grosse stabilité dimensionnelle et facile à travailler. C’est surtout un excellent amortisseur de vibrations, qui sert d’interface entre le robinier et l’épicéa. Une alchimie naturelle qui garantit légèreté, accroche et pop, caractéristiques communes à tous les modèles signés Brotherwood. Le reste une question d’assemblage, de profilage pour obtenir le flex désiré, et direction la stratification, où fibres triaxiales, carres et semelles sont rajoutées avant le passage à la presse. D’où sortira un swallow unique : le vôtre !
La gamme se compose de swallows à partir de 990 euros ; de skis et télémarks à partir de 1290 euros. Un prix qui inclut un service après-vente individualisé.
+ D'INFOS :
https://www.facebook.com/Brotherwoodsnowboard/
Route des Futaies, 74370 Villaz
Peter planche sur des shapes haute-couture
Ça y est ! Après vingt-trois années passées en France (une fois de plus "à cause" d’une Française…) dont dix à fabriquer à l’unité de véritables œuvres d’art pour la glisse depuis Montreuil, Peter a enfin franchi le pas cet été. Il a quitté sans trop de regret ses lapins et son atelier d’ébénisterie du 9.3 pour emménager au pied des montagnes, à deux pas de Chamonix. Le temps d’affrêter deux semi-remorques pour transporter la presse et le reste de l’atelier, de mettre en famille d’accueil ses fameux lapins qui allaient lui inspirer le nom de sa marque, et direction Les Praz, pour s'installer dans une ancienne scierie, "Le moulin des Artistes", difficile de trouver lieu plus adapté à la poursuite de sa passion. Parcours éclectique donc pour cet Américain passionné de marqueterie et d’ébénisterie.
Une double passion qui le conduit à se spécialiser dans le cintrage du bois, discipline ancienne et parfois mystérieuse où rien ne peut remplacer l’expérience chèrement acquise. Pour se changer les idées entre la fabrication de deux meubles sur mesure, Peter a alors l’idée d’utiliser sa connaissance du frêne et des formes pour se lancer dans la fabrication de skis “à l’ancienne“, en noyaux pleins, en lieu et place des traditionnels lamellés collés. Au fil des ans, il développe une technique unique, mêlant frêne et hickory ; deux essences traditionnellement utilisées dans la fabrication des skis avant d’être supplantées par l’arrivée des matières plastiques.
Dix ans plus tard, à force de passion et d’acharnement, on ne présente plus les skis de Peter, plus que du sur-mesure, presque de l’art et de la haute-couture de la glisse !
Le doux parfum des essences
« J’utilise cette technologie primitive du cintrage en la mariant avec les fibres les plus modernes et les colles les plus adaptées pour trouver un ride à la fois digne de nos ancêtres et crazy comme notre époque ! À part les collages et la structuration des semelles P-tex course, je finis tout à l’ancienne. Avec bien sûr des shapes modernes et adaptés au free ride, mes skis sont de vrais outils de montagnes. »
Chaque paire demande évidemment beaucoup de temps de séchage et de fabrication. Après avoir choisi avec un soin extrême les différentes essences de bois, Peter les marie avec des fibres techniques tri-axiales et autres colles soigneusement sélectionnées, toujours avec le souci de n’en mettre que le strict minimum, pour laisser s’exprimer la qualité naturelle du bois. « On en tire plein d'avantages pour faire des skis d'exception. Un contrôle de qualité extrême dans le choix de tous les composants, tout est fait main avec des finitions naturelles façon ébénisterie, pour laisser vivre et respirer le bois. L’antithèse de la voie industrielle tellement "en place" dans les finitions plastiques… ».
Une fois de plus, le reste n’est qu’une question de temps… Cuisson longue et polymérisation douce pour une meilleure longévité de l’œuvre, qu’on a tout autant envie d’accrocher au mur que de faire glisser sur la neige, où les Rabbit on the Roof offrent un touché et un amorti à nul autre comparable. Après six mois de travaux et d’installation, le nouvel atelier est enfin prêt à vous accueillir, n’hésitez pas à aller rendre visite sur place à Peter, vous ne le regretterez pas (attention, prévoyez le carnet de chèques, vous risquez fort d’y passer commande d’une paire de Rabbit on the Roof…).
La gamme présente plusieurs modèles allant du parabolique utilisable sur piste au fat taillé pour le Derby de la Meije en passant par deux skis femmes, sans oublier deux guns de snowboard dont un swallow tail. De 800 à 1200 euros.
Par Laurent Molitor
Crédit Photo :
DR Rip'nwood / DR Brotherwood / DR Rabbit on the Roof